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La collision |
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La moitié des gens de Beaucaire, Fidèle au cérémonial, Suivait jusqu’auprès du vicaire Un convoi matrimonial. Le même jour, à la mê;me heure, L’autre moitié des gens du lieu Menait à sa dernière demeure Un macchabée très précieux. Or, pour se rendre au cimitiè Et pour se rendre au lieu sacré C’est la même petite artère Qu’il faut prendre bon gré mal gré. Au pas du flâneur qui circule Les conducteurs des deux convois Engagèrent leurs véhicules Aux deus bouts de l’unique voie. Comme il roulait dans les ténèbres Le ciel étant tout encrassé Le conducteur du char funèbre Crut que c’était à lui de passer. Par malheur, pour les mêmes causes, Le conducteur du char conjugal Crut justement la même chose: La collision était fatale. Elle ne fut pas de nature À premiè place aux faits divers, Car seuls les phares des voitures Dans la rencontre avaient souffert. Mais les chauffeurs d’automobiles Tels leurs ancêtres les cochers Quand un rien leur émeut la bile Sont joliment mal embouchés. Les deux nôtres, selon l’usage, Se dressèrent sur leurs ergots Et se crachèrent au visage Les plus déplorables gros mots: «Vieille ordure, pouilleux, vérole, Fils de pute, empapaouté.» On se serait cru, ma parole, À la Chambre des députés. Au maximum de la dispute, Les témoins des jeunes époux, Secoururent leur chauffeur en butte à cette avalanche de boue. Les teneurs des cordons du poêle - On ne leur en demandait pas moins - Prouvèrent qu’ils avaient de la moelle En bondissant sur les témoins. Les témoins mordaient la poussière Quand les demoiselles d’honneur, Sortant leurs griffes carnassières, Se jetèrent sur les teneurs. Les teneurs recevaient la pile Quand les parents et les amis, Les curieux et les imbéciles, Puis tout le monde enfin s’y mis. Frémissante, la jeune veuve Disait à l’épouse effarée: «C’est par un de mes terre-neuve Que nous te ferons déflorer. - Mon palefrenier non-conformiste, Répond l’autre du tac au tac, Violera ton entrée des artistes Si par miracle elle est intacte». À pied, à cheval, en voiture Les gendarmes mal inspirés Vinrent, pour tenter l’aventure D’interrompre l’échauffourée. Or à Beaucaire, ou à Boulogne, à Montmartre, à Chandernagor, Dès qu’il s’agit de rosser les cognes Tout le monde se met d’accord! Avec une harmonie parfaite On vit les anciens ennemis Se ruer sur les trouble-fête Au massacre inhumain promis. Les femmes pire que les hommes Leur firent un terrible sort. Ne les blâmons pas puisqu’en somme Elles rossaient des harengs saur. L’une d’elles, la veuve, attache Le vieux maréchal des logis Et lui fait crier: «Mort aux vaches, Mort aux lois, vive l’anarchie!» Une autre fourre avec rudesse Le crâne d’un de ses lourdauds Entre ses gigantesques fesses Qu’elle serre comme un étau. La plus grasse de ses femelles, Ouvrant son corsag’ dilaté, Matraque à grands coups de mamelles Ceux qui passent à sa porté’. Ces furi’s à peine si j’ose Le dire, tellement c’est bas, Leur auraient mêm’ coupé les choses: Par bonheur ils n’en avait pas! Il va de soi que les gendarmes à la longue auraient succombé Mais le formidable vacarme Ôta le sommeil au macchabée. Il dit: «Vos procédés me navrent Vous vous conduisez en goujats; Avant de faire de nouveaux cadavres On enterre ceux qui le sont déjà.» Le blâme plain d’acrimonie Persuada tous ces boutors D’achever les cérémonies Et d’laisser la vie aux pandores’. Alors la moitié de Beaucaire Conduisit le mort dans son trou; L’autre moitié jusqu’au vicaire Accompagna les deux époux. |
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